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Claudy Siar : "L'un de nos projets, la rupture du jeûne à l'heure de l'île de La Réunion"


Politique
Samedi 16 Juillet 2011

Le nouveau délégué interministériel pour l'Egalité des chances des Français d'Outre-mer affine peu à peu sa stratégie. Le successeur de Patrick Karam travaille à créer un équilibre entre les différentes îles de l'Outre-mer, pour ensuite "construire la meilleure solidarité entre les Ultramarins". Claudy Siar, artiste, professionnel de la communication et enfant de la terre, veut assumer sa nouvelle mission en couleurs. Interview.


Claudy Siar : "L'un de nos projets, la rupture du jeûne à l'heure de l'île de La Réunion"
Vous êtes le nouveau délégué interministériel à l'Egalité des chances des Français d'Outre-mer, quelle approche avez-vous de cette fonction ?
C’est une fonction qui demande un pragmatisme de tous les instants. La période qui nous occupe, nous oblige à être concrets, à mener les bonnes actions. Depuis mon adolescence, je suis engagé dans le combat pour l’égalité. Mon passé traduit, la sincérité des mes engagements. Les discriminations sont inacceptables dans un pays, notre pays à l’origine des Droits de l’homme et dont la posture est d’offrir au monde ses valeurs d’égalité et de liberté. Mais voilà ces principes sont bafoués dans notre douce-France, et les originaires d’Outre-mer sont souvent marginalisés.
Depuis des années, je lutte pour le respect de nos identités et de nos histoires. Je veux rassembler nos citoyens d’Outre-mer autour des valeurs communes à l’ensemble de la nation, mais surtout que nous prenions notre place au sein de la société française.

Quelle est la situation des Français d'Outre-mer ?
C’est la situation d’une frange de la population obligée parfois de rappeler et de justifier son appartenance à la France.

Quels les principaux problèmes que rencontrent les Français d'Outre-mer en métropole ?
Comme tous les français, nous subissons la baisse du pouvoir d’achat ! Mais pour les Français d’Outre-mer, appartenant souvent aux catégories socio-professionnelles les plus modestes (même si les choses changent) les difficultés dues aux fins de mois difficiles, font des ravages ! Ajoutez à cela le chômage, la discrimination à l’emploi, un certain racisme envers beaucoup, et vous avez un instantané de la vie de nos compatriotes dans l’Hexagone. Le manque de considération par la classe politique et médiatique de notre pays, explique une colère parfois légitime. Sur bien des points, l’Outre-mer et ses ressortissants, qu’ils soient sur leurs terres d’origine ou dans l’Hexagone, n’existent pas.

Quels sont vos objectifs ?
Franchir une nouvelle étape significative vers l’acceptation réelle des originaires d’Outre-mer dans l’Hexagone. Convaincre ces mêmes originaires d’Outre-mer que nous devons changer si nous voulons remporter la bataille pour l’égalité. Il est urgent que nous cessions ces hiérarchies ethniques qui gangrènent nos sociétés antillaises, réunionnaises, guyanaises, calédoniennes, tahitiennes. Nous devons mettre un terme à ces comportements fratricides qui consistent à systématiquement attaquer l’un des nôtres lorsqu’il s’engage pour l’intérêt commun. Il est tant que le respect mutuel soit dans nos principes. Personnellement, j’en ai fait mon parti et jamais vous ne m’entendrez fustiger et encore moins insulter une personne par ce que nous ne partageons pas les mêmes idées.

Quels sont les projets que vous allez développer pour la promotion des Français d'Outre-mer ?
Mon projet principal est basé sur la solidarité. La plus grande des insécurités est la pauvreté. La Délégation en collaboration avec la Case Sociale Antillaise va lancer le programme "Solidarité". L’objectif est d’aider les plus démunis et pas seulement les Antillais. La Case Sociale vient en aide aux originaires d’Outre-mer en générale. Nous proposons des hébergements provisoires, nous travaillons sur la réinsertion des personnes en difficultés, nous distribuons  quotidiennement des repas et nous proposons aux femmes et aux hommes soumis au RSA, la possibilité de bénéficier de billets d’avion afin d’aller aux funérailles d'un père ou d'une mère dans leur région d’origine. Nous avons lancé le Tour de France pour l’égalité des chances des Français d’Outre-mer car la Délégation doit être proche des personnes qu’elle sert.

Rapprocher la métropole de l'Outre-mer. Et réciproquement ?
La proximité est l’une de mes préoccupations. Je souhaite que l’on crée un lieu pour l’Outre-mer. Nos cultures méritent d’avoir un endroit qui leur soit dédié où artistes, comédiens pourront se produire, où les associations se réuniront,  où les plasticiens exposeront. A travers des actes simples je veux changer les regards des uns sur les autres. Deux exemples simples qui peuvent participer à la reconstruction des imaginaires :
- inscrire les dates du 27 avril 1848 (abolition de l’esclavage) et du 10 mai sur le calendrier car ce sont deux dates républicaines ;
- la météo : il est étonnant que les médias ne tiennent pas compte de l’Outre-mer lorsqu’ils présentent la météo. Dans la Constitution, la France est une et invisible. Il est donc temps que nos médias cessent d’amputer la France de ses régions d’Outre-mer.

Quelles sont les autres actions que vous allez mener ?
La Délégation va s’engager auprès des entrepreneurs de la communauté. Les réussites des chefs d’entreprises sont essentielles, elles permettent une certaine émancipation et offrent un visage d’une population dynamique. Nous avons confié cette mission à Alain Dolium. Il organisera deux journées à Paris baptisées "Pourquoi pas moi". Nous serons tout aussi pragmatiques et concrets en travaillant sur la Continuité territoriale, l’accueil des étudiants dans l’Hexagone, l’amélioration du passeport mobilité. Au sujet de l’histoire et de la mémoire de l’esclavage, nous avons deux projets importants : l’un consacré à la rupture du jeûne à l’heure de l’île de La Réunion.

Vous voulez proposer un autre regard sur l'Islam ?
Chaque français doit savoir que dans cette région l’Islam ne menace pas la laïcité. Notre pays ne doit également pas ignorer que la première mosquée de France a été construite à St-Denis de La Réunion. Puis nous organiserons un voyage historique sur le lieu de l’esclavage. Les plus grandes instances communautaires et confessionnelles de France, des représentants des instances internationales, tous viendront se recueillir à la mémoire des femmes, des hommes et des enfants humiliés dans les fers de l’esclavage. Ensemble, nous rappellerons que l’histoire de l’esclavage est une mémoire partagée.

Le deuxième point ?
Autre point essentiel de la Délégation, œuvré afin que le plus ancien prisonnier de France, le Martiniquais Pierre-Juste Marny soit libéré après 46 ans d’incarcération. Son maintien en détention est vécu comme un acharnement pour les Antillais. Voici quelques axes de travail de la Délégation.

Quelles seront les outils, les méthodes, les leviers que vous allez utiliser pour réussir vos projets ?
L’une des difficultés de notre démarche, résulte dans le travail de lobbying que l’on doit effectuer au sein du pouvoir, afin que l’Outre-mer soit mieux prise en compte. Rappeler la loi, les principes et notre Constitution ne suffisent pas toujours à redonner du concret et de la constance à l’égalité de traitement. Il faut expliquer, séduire et être armé d’une détermination sans faille.                                

Qu'est-ce que les Français d'Outre-mer résidant en métropole, apportent depuis des décennies à la France métropolitaine ?
Votre question est étonnante ! Elle ajoute à ce sentiment inconscient (voir conscient) de ne pas tout à fait appartenir à ce pays ! C’est comme si vous demandiez ce que les Bretons apportent à la France ? Les Français d’Outre-mer (chacun dans son quotidien) apportent par leur travail de la richesse à la France, comme tous les Français.

La perception des métropolitains de l'Outre-mer dans sa globalité, a-t-elle évolué dans le même temps ?
Les crispations identitaires dans l’Hexagone ont créé des tensions au sein de la communauté nationale. Au mieux l’image de l’Outre-mer est manichéenne, d’Epinal, au pire les originaires d’Outre-mer sont assimilés à des étrangers. Si en 1900 un Français était  blanc catholique ou juif, en 2011 il n’y a pas de couleur et de religion pour être Français.

Que faut-il faire pour que l'Outre-mer conserve son identité, mais devienne en parallèle un territoire français à part entière ? Ces deux éléments sont-ils compatibles ?
Il n’y a pas d’antagonisme ! La culture alsacienne est forte, la langue de cette région de France, est un élément évidemment important de cette identité. Pour autant l’Alsace et ses spécificités identitaires ne sont pas incompatibles avec la nation. Il en va de même pour l’Outre-mer et ses histoires particulières. Les originaires d’Outre-mer ne remettent  pas en question, leur appartenance à la France. C’est un choix souhaité (entre-autre) par deux grands hommes Aimé Césaire et Paul Vergès favorables à la départementalisation en 1946, et ce afin d’améliorer les conditions de leurs concitoyens.

Vous êtes d'origine guadeloupéenne, vous êtes né en métropole, vous avez grandi dans le Val-de-Marne puis dans le Vaucluse, quel Français êtes-vous ?
Je me définis comme un Afro-caribéens de la Guadeloupe, né à Paris, ayant grandi dans un petit village de la Drôme (Pierrelongue) et tous ces lieux sont des parties importantes de mon identité. Par alliance, j’appartiens aussi à l’Ile de la Réunion. Par cœur, conviction et engagement, l’Afrique, ses peuples et ses cultures n’ont plus de secret pour moi. Je suis tout ça à la fois et c’est une chance. J’aime à dire que l’Outre-mer est aux avant postes de l’humanité, de par ses métissages ethniques et culturelles. Et je suis Français ! Là encore rien d’incompatible...


NDLR : Dimanche prochain dans la deuxième partie de l'interview, Claudy Siar nous parlera de son parcours personnel, musical, à la radio, à la télévision et de ses rêves...

Jismy Ramoudou



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